Littéralement sous l'eau ☆ Wyatt & Bar

Il suit le mouvement de son pouce sur l’intérieur de son poignet, la lente douceur effleurant son épiderme, renfermant ses veines pulsantes de sang. Bar commençait à digérer l’idée que certaines composantes de son corps pouvaient servir de nourriture à quelqu’un d’autre. Pour lui, rien que le fait de manger de la chair, correspondrait à goûter à celle d’une autre conscience. Il doit sans doute descendre de la panthère asiatique, connue pour se nourrir de racines et de plantes, lorsque les proies se faisaient rares. Un régime alimentaire qui lui allait parfaitement. Après un léger froncement de sourcils, il passa sa langue discrètement sur ses propres canines, se rappelant avec horreur toutes les fois où, enfant, sa mère l’avait obligé à manger de la viande. Son frère s’y était toujours lancé à coeur joie, mais lui… Oh l’idée était si peu ragoûtante. Bar ne dit rien pourtant, l’observant simplement, malgré toutes les questions qui lui hantaient l’esprit. Il lui posera plus tard, quand il en aura le courage.

Si Wyatt avait à peu près cent quatre années - Bar lui fit les gros yeux ronds, ayant l’impression d’avoir un vieux pépère dans son lit - et qu’il a récupéré Bar dans l’eau lorsqu’il avait six ans, alors aujourd’hui, il a cent vingt-quatre ans. C’était bien plus au-dessus de la tranche d’âge habituel des êtres que Bar avait pu connaître. C’est fou… Il le regarda avec attention, détaillant son visage, des plissures de son front à la forme de sa bouche, se demandant bien si cette sorcellerie avait un but. Beaucoup souhaitaient la vie éternelle, surtout si elle conservait des malheurs du temps. Mais Bar aimait bien mûrir. Wyatt ne semblait pas avoir plus de quarante ans. La panthère souffla doucement :

-J’ai vingt-six ans. Lorsque tu m’as sauvé, j’en avais six. C’était il y a vingt ans.

De nouveau, sur la demande de Bar, ils abordent la question du sang. C’est si compliqué, il ne comprend pas tout. Cela ressemble à une chimie dont il ignore les raisons. Pourquoi rendre un sang si spécifique pour un individu en particulier ? C’est comme vouloir offrir une paille en or à la seule personne qui comprendra que toutes les pailles peuvent être en or. Bar ne saisissait pas les nuances de cela. Mais l’Unholmere de Wyatt devait avoir ses raisons. Même si Bar commençait à légèrement se demander si tout cela était réellement une question de hasard…

Sa main s’arrête sur ses reins. Bar se souvient, lorsqu’il a commencé à faire vibrer ses atomes, bousculant la température de son corps pour l’augmenter. Il y a bien des magie dont il ignore tout. Ses oreilles bougèrent en entendant qu’il était parti travailler pendant que lui dormait. Cela fait donc plus de vingt-quatre heures qu’il dort, qu’il comate après avoir été mordu jusqu’à l’évanouissement. Les yeux grands ouverts, il tente d’assimiler de nouveau tout ce qu’il lui a dit. Il est tellement mou, tout marche au ralenti. Même lorsque les lèvres de Wyatt rencontrent les siennes. Une larme solitaire lui échappe, alors qu’il lui répond avec une seconde de retard. Lorsqu’ils se séparent, Bar cherche de nouveau son regard. Son silence dure un instant. Comment doit-il répondre à cela ? Personne ne lui a jamais dit, aussi explicitement, qu’il pouvait tout à fait assumer. Phil n’avait jamais osé le dire, parce qu’il savait qu’il n’y arriverait pas. Son ex ne voulait même plus les mentionner au bout d’un certain temps. Maintenant, un léviathan centenaire lui expliquait qu’il pouvait même les enrayer.

-Je n’aurais jamais cru qu’un poisson centenaire avec un odorat de requin, à moitié-vampire sur les bords, me dise qu’il peut m’aider et rester avec moi sans me juger, sourit-il au travers de la seconde larme qui lui échappe. Il l’essuya du revers de sa propre main, avant de reprendre. Et pourtant, ça fait un peu sens aussi… (Il le regarda dans les yeux, respirant doucement.) Merci.

Et il se redressa pour lui embrasser le coin des lèvres. Peut-être qu’il avait aussi pris goût à celui de ses lèvres ? En tout cas, c’était loin d’être bizarre et de le déranger. Sûr qu’il allait devoir avoir une discussion avec Phil - et potentiellement Jian aussi, pour éviter qu’il ne panique - mais, ce sera pour plus tard.

-Si tu me laisses assez de temps, je me ferais à l’idée que tu dois boire du sang pour vivre. Excuse-moi si j’ai un peu de mal avec ça pour le moment. (Il joignit ses mains, dans une demande muette pour un peu de temps supplémentaire.) Si tu le veux bien…

Tu souris en coin quand il te décrit. C'est un peu restrictif et l'idée même d'être comparé  à un vampire te fait un peu grincer du croc en silence, mais tu sais pertinemment que pour les autres espèces, on préfère vous comparer à des cousins lointains, c'est plus facile dans le concept mais ce sont eux qui sont des cousins eloignés défectueux, pas vous. Vous, vous n'avez aucun ancêtre sorcier humain qui a voulu voler le pouvoir des léviathans et ça a donné... leur espèce entre guillemets, parce qu'apparement, selon la légende qu'on vous raconte depuis tout petit, ce type aurait aussi bidouillé avec d'autres espèces pour que ça fonctionne. C'était l'ancêtre de tous ces tarés notoires qui par besoin de pouvoir, d'immortalité et de domination, se lancent dans des quêtes infernaux qui pourraient foutre en l'air le monde. Tu ignores combien de temps il te reste à vivre, mais tu sais qu'ils font partis de tes cibles s'ils sont une nuisance pour l'avenir de la vie sur Terre, toi et Bao avait ce but en commun.

- Pourquoi tu me remercies... je me demande c'que t'as croisé avant pour que ça te paraisse si bizarre... j'sais pas, c'est pas dans mes habitudes de vouloir que l'autre devienne quelqu'un d'autre... dans ce cas, c'est que j'ai rien à foutre avec... non?

La question te vient naturellement parce que tu as bien maintes fois observer des couples ou duo qui étaient ensemble par dépit, par peur d'être seul. Bien que tu comprennes dans un sens, parce que tu as toi aussi connu l'extrème solitude, tu te demandes néanmoins si la solitude n'est pas une meilleure protection que de se mentir et de ne pas voir à quel point on souffre. Il n'y a rien de pire que d'aimer à sens unique ... c'est bien pire que d'être seul pour toi, parce que chaque jour on est puni d'aimer une personne qui ne devrait pas l'être, pas par soi du moins. D'ailleurs en parlant de tristesse, pourquoi ces larmes...? Est-ce qu'il est triste? Est-ce que c'est comme Jian qui pleure à chaque réveil parce que ses yeux se réhumidifient, c'est ce qu'il a raconté du moins donc tu supposes que ça peut être vrai pour certaines espèces. Il t'embrasse et tu ne dis pas non! Tu trouves ça même trop court, ho! T'es pas à la diète! T'en veux d'autres, c'est cool ce nouveau moyen affectif! Tes sourcils se haussent quand tu le vois s'excuser de manière over-polie. Un léger rire t'échappe et tu l'attrapes dans tes bras, pour rouler sur le coté et te retrouver en position de supériorité, mais au lieu de l'agresser, après avoir émis un grognement de complainte, tu descends d'un cran pour poser ton front juste en dessous de son menton, sur le milieu de ses cotes, sentant son coeur battre derrière ta peau.

- Rah pourquoi t'es si craquant...

Après quoi tu t'affales sur lui, vos jambes emmélés, peu importe votre nudité, tu n'es pas dans l'optique de te le taper la tout de suite. Tes bras repliées se sont libérés de sous son corps, et se callent de chaque coté de ses flans, tu te descends d'un cran de plus, pour loger ton torse contre son ventre et pose ta tête contre son torse, dans un soupir de plaisir, les yeux fermés, sentant sa queue de panthère contre une de tes jambes.

- J'ai envie de t'emmener quelque part... pour que tu vois ce que je suis différement..

L’une de ses oreilles remua, alors qu’il l’observait avec attention.

-Ici, il est plus commun de vouloir changer l’autre que de vouloir l’accepter. (Les yeux de Bar s’adoucirent.) Je ne veux pas que tu changes.

Bar ne lui racontera pas ses expériences passées. Pas pour le moment en tout cas. Ils méritaient un peu de répit, même s’il est certain que Wyatt serait féru d’entendre son histoire. Mais elle était trop sensible pour qu’elle n’affecte pas son léviathan à crocs. Elle n’est pas tragique non plus, il ne faut pas être aussi dramatique. Seulement, s’il a terminé à cette échelle de la société, c’est que la dégringolade a été lourde et désastreuse.

Son cœur rate un battement alors que Wyatt le prend dans ses bras pour le retourner sur le dos. Il le sent bouger sur lui, le voit faire, clignant des yeux en tentant de comprendre cette soudaine pulsion de câlin inversé. Mais rapidement, il se détend, le laissant prendre place sur son torse. Rapidement, ses mains trouvèrent les cheveux exposés depuis lui, ses doigts se glissant être les mèches, les enroulant entre ses phalanges ou caressant doucement la racine de cette touffe. C’est presque difficile de dire que cet individu a pu faire d’horribles choses dans sa longue vie, alors qu’il semble presque sur le point de ronfler sur l’estomac de Bar. Ils ne ressemblent plus vraiment à des amants. Mais peu importe ce à quoi ils peuvent être assimilés. Si Wyatt peut vivre longtemps, Bar sait que sa vie est drastiquement plus courte. Il est jeune certes, mais à titre de comparaison, Wyatt a passé presque toute la vie de Bar en prison quasiment. Et cette fraction de vie n’est qu’un battement de cil dans cette qu’à vécu le léviathan. Bar pencha la tête, s’enfonçant un peu dans le coussin, tentant de voir son visage.

-Maintenant ? demanda-t-il doucement, continuant d’emmêler et de démêler les cheveux du plus âgé.

Sa queue effleura l’un des mollets de Wyatt, alors que l’une de ses mains descendit sur sa nuque. D’ici, Bar pouvait voir la cicatrice cuisante dans le dos de celui qui le surplombe. Elle paraissait douloureuse, même encore maintenant, alors qu’il savait pertinemment qu’elle n’avait plus aucun effet. Cette peau est sereine, mais déformée. Il inspira doucement. Des choses horribles oui, Wyatt en a fait, pour terminer en prison. L’éthique hurlait à Bar de le fuir, de ne jamais plus le regarder ou tenter de le toucher. Après tout, avait-il impacté des familles ? des amis ? des couples ? voir des enfants ? par l'intermédiaire de ses actions ? Mais l’éthique, c’est aussi de devoir soigner les pires crapules parce que c’est le serment que l’on a prononcé, c’est devoir se salir les mains d’un sang vulgaire parce que chaque vie compte, même celle d’un truand. Qui sait ? Peut-être a-t-il déjà soigné un fou qui s’est envolé dans la nature pour expier d’autres crimes encore plus sordides ? L’homme sur son ventre possède au moins un part de douceur qui lui est dédié. Alors, autant que Bar n’écoute pas sa pseudo-conscience, mais plutôt son cœur.

Il aurait pu te reposer mais à la place, ce sont des doigts que tu sens à travers tes mèches, ce câlin capillaire que tu as peu connu de fois, moins que tu as de doigts, et il y a fort longtemps. Tes yeux restent clos, un sourire léger, un peu con sur la gueule. Tu as envie de t'installer ici. Rien n'est officiel, mais pour toi ça l'est. Ton aval devrait être un critère universel. Si tu arrives, tout le monde devrait approuver et respecter ton territoire mais tu sais que dans les milieux urbains, avoir un territoire c'est compliqué…. Surtout un qui ne serait qu’à toi. Mais déjà, tu veux que Bar soit tien et tu veux protéger cet endroit pour qu'il s'y sente bien. Et ce, sans que personne ne sache encore à quel point tu deviens accroc. Tu en arrives à oublier les prérogatives prioritaires de ce pourquoi Bao t’a fait venir.

Allongé sur lui, tu profites de son torse qui se soulève sous ton oreille. De ce battement de cœur qui te berce. Tu perçois la vibration de sa voix, et tu comprends, comme si tu l'avais suffisamment observé pour comprendre la plage sonore de sa voix et la traduire, comme tu le fais le Jian et Bao. La crainte de perdre tout ça te prend le ventre d'un coup et ton sourire s'efface. Doucement, tu caresses sa peau douce sur ses flancs… ta voix se fait comme ensommeillée… basse.

- Plus tard … Là j'ai juste envie que le temps s'arrête… personne ne m'a jamais donné ce que tu me donnes…

Que le monde vous oublie juste un peu parce que de tout temps, tous préfèrent ne pas voir que les plus puissants, ceux qui paraissent invisibles…. Peuvent aussi avoir mal, être fatigué, avoir peur, avoir envie de juste arrêter ce que tous veulent qu'ils soient. Et ce soir… tu n'es veux pas être l’arme… juste un mec lambda qui a aussi le droit de souffler… et d'être câliner.